Depuis les origines jusqu'au début de XIXe siècle les outils, les méthodes et les pratiques des vignerons ont peu évolué.
Tributaires plus que tous les autres agriculteurs des éléments
climatiques, ils tentaient de se protéger des gels de printemps et de la grêle
estivale, qui sont toujours aussi redoutés. Une idée de l'époque gauloise voulait que la peau de phoque protège efficacement des effets de la foudre et chacun en portait un petit morceau sur soi. Dans tout l'Empire romain les vignerons en pavoisaient leurs vignes espérant ainsi les protéger aussi bien contre la foudre que contre la grêle. C'est un procédé oublié depuis longtemps, d'autant que les phoques ont disparu de nos rivages méditerranéens.
Si les grandes gelées d'hiver ont parfois détruit le vignoble
(1709 par exemple), les gelées de printemps étaient beaucoup plus redoutées, pouvant en quelques minutes détruire les promesses de toute une année. Les agronomes ont donc conseillé la protection par des nuages de fumée, soit en disséminant des tas de paille entre les rangées de vigne, tas auxquels on mettait le feu en cas de gel, la fumée empêchant le froid, soit par des bouses de vache séchées, soit par des bottes de roseaux allumés qu'on promenait dans les champs.
L'environnement animal était plus hostile que de nos jours et le vigneron devait aussi se protéger des prédateurs qui ne manquaient pas de venir manger le raisin à maturité. Une stèle de Vienne représente un ours et des mosaïques montrent des lièvres en train de manger du raisin. Aussi était-il d'un usage assez répandu d'entourer les vignes de murets. Plutarque, dans le récit de la vie de Marius, nous rapporte des faits particulièrement macabres : après la bataille de Pourrières (entre Sainte-Victoire et Sainte-Baume), en 102 avant J.-C., au cours de laquelle Marius extermina la tribu des Teutons, les Massaliotes firent avec les ossements des victimes des murs d'enclos pour leurs vignes et la terre où pourrirent les cadavres après les pluies d'hiver se trouva tellement engraissée et remplie en profondeur de tant de matières décomposées qu'elle produisit à la belle saison une récolte extraordinaire.
Le travail du sol
Pour la vigne le travail du sol est considérable : labourage, opération de décavaillonage (de la racine provençale cavaioun qui désigne la terre élevée entre deux sillons) qui consiste à déchausser les pieds de vigne au printemps avec l'opération inverse à l'automne pour les protéger du gel, désherbage, sansparler des multiples traitements contre les maladies.
Beaucoup de ce travail se faisait à main d'homme et se fait encore ainsi dans les vignobles établis sur des pentes fortes : Côtes Rôties, Suisse, Moselle... Pour cela une variété d'outils, spécifiques selon la consistance des terres, était utilisée: la houe simple ou bigot appelée meille en Bourgogne (terme d'origine grecque), meigle dans l'Aube et fessou (du latin fossorium) vers Bourbonne-les-Bains; le foussoir, pioche à trois dents; la dikella, houe à deux dents adaptée aux terrains secs et caillouteux; la bêche pleine pour les terres légères. Tous ces outils sont systématiquement présentés dans tous les musées du vin, datant généralement du XIXe siècle, mais ressemblant à ceux de l'Antiquité qui ne nous sont que rarement parvenus. Comme la vigne était généralement plantée sur des coteaux, les rangs étant dans le sens de la pente, il fallait remonter la terre entraînée par les pluies et l'opération se faisait à la pelle et à la hotte à dos d'homme.
Là où c'était possible on utilisait un animal de trait, cheval ou mulet, dont l'attelage à l'araire est déjà représenté dans les gravures de l'âge du Bronze ancien de la vallée des Merveilles. Maintenant, le tracteur a remplacé le cheval, mais on le trouve encore parfois, pour le folklore ou l'amour du travail ancestral, attelé à une charrue dans une vigne. C'est
l'araire (instrument symétrique) qui était le plus utilisé et on a trouvé un certain nombre de socs d'araires, ou reilles, dans les fouilles archéologiques. Le mode de reproduction de la vigne appelé provignage et utilisé jusqu'au phylloxéra, consistait à coucher un pied de vigne dans une fosse en laissant émerger 3 ou 4 sarments qui donnaient naissance à autant de nouveaux pieds. Il existait bien entendu des outils particuliers pour creuser ces fosses selon les normes requises. Cette méthode de reproduction donnait à la vigne un aspect de couverture végétale continue du sol, aucune notion de rang n'apparaissant plus. C'était une méthode de reproduction perpétuelle et l'arrachage total des ceps qui a suivi la crise phylloxérique a montré des chaînes de ceps et de racines qui faisaient plus de 20 m de long.
Si l'arrachage de la vigne se fait aujourd'hui avec des tracteurs puissants et des labours très profonds, il se faisait jadis plant par plant avec des instruments en forme d'énorme chevalet qui, à l'aide d'un treuil, sortaient le cep de la terre, ou avec des pics de près de 3 m de long jouant en bras de levier. N'oublions pas que la vigne a des racines extrêmement profondes qui ont contribué à la symbolique de l'extraction du suc de la terre par cette plante.
Taille et conduite de la vigne
Dans plusieurs civilisations, la taille de la vigne trouve son origine dans une légende, qui met en scène des chèvres en Egypte, ou des ânes que ce soit à Nauplie pour la Grèce, en Espagne avec Saint-Vincent, en France avec Saint-Martin.
Cette légende est partout la même : l'âne, non surveillé par son propriétaire par une inadvertance voulue, broute les jeunes sarments de vigne, le vigneron s'en aperçoit trop tard, s'insurge et constate quelques mois plus tard que ce sont ces ceps qui produisent les plus belles grappes. N'y aurait-il pas dans toutes ces légendes un message caché voulant dire au vigneron : "Si un âne réussit dans la taille de la vigne, toi vigneron avec ton intelligence d'homme et ton expérience de la plante, tu dois mieux réussir?"
D'après une célèbre citation de Trogue Pompée, ce sont
bien les Grecs qui ont appris l'art de tailler la vigne et la forme de la serpette utilisée par les Grecs, il y a 2500 ans, n'a guère changé avec son ergot dorsal pour couper les sarments morts.
Inventé vers 1811, le sécateur se généralise entre 1830 et 1850. Equipé d'abord d'un ergot et d'un bec comme les serpettes, il va prendre rapidement la forme des sécateurs que nous connaissons aujourd'hui avec des variantes de grande dimension pour la taille et des petits modèles pour les vendanges.
L'introduction de ce ciseau à tailler, qui permettait un
travail 4 à 5 fois plus rapide, ne fût pas accepté facilement par les ouvriers agricoles du midi. Au début de l'année 1840 eu lieu à Béziers un "rassemblement tumultueux de 400 ouvriers contre certains essais agricoles, quelques propriétaires ayant fait l'épreuve d'un nouvel instrument à tailler la vigne". Trois d'entre eux furent même arrêtés pour avoir résisté aux injonctions des autorités locales et condamnés à 6 mois d'emprisonnement.
Ainsi armé, le vigneron va conduire sa vigne selon les dispositions particulières à sa région,sur échalas unique ou multiple, - sur fil de fer, - sur arbre ou sur treille, - comme en Provence, sans rien, les sarments rampants
à même le sol sans être ni relevés ni soutenus par des échalas. Dans les pays où l'on devait équiper la vigne d'échalas, c'était toute une industrie parallèle qui se développait depuis la plantation (en général des robiniers) jusqu'au façonnage, la taille et l'enfoncement avec des instruments spéciaux, soit
à la main, soit sous le bras, soit avec un sabot, soit à la masse. Une hotte spéciale servait en Bourgogne au transport des échalas : la bachoule (d'une racine prélatine). Aujourd'hui le piquet de fer supplante de plus en plus le bois.