Les outres

A cause de leur constitution éminemment périssable, les outres ne nous ont laissé aucun témoignage archéologique. Heureusement restent les témoignages écrits. La fabrication des outres est un phénomène très ancien puisqu'on en trouve mention dans l'Odyssée où Ulysse enivre le cyclope Polyphéme avec du vin noir qu'il avait apporté en amphores sur son bateau et transvasé dans une outre en peau de chèvre.

Un chariot peint à Pompéi transporte une outre faite d'une peau entière de boeuf, (culleus) dont la capacité était étalonnée à 526 1, soit 20 amphores de 26,3 1. On faisait également des outres avec des peaux de bouc ou de chèvre.

Au XIXe siècle, des outres en peau de vachette étaient utilisées en Savoie pour descendre les vendanges des vignes des coteaux escarpées à dos d'homme, jusqu'aux cuviers, avec des charges de l'ordre de 80 kg.

Le motif central d'une intéressante mosaïque conservée au musée de Berlin montre le jeu de l'outre : sur une outre pleine de vin devait sauter et tenir debout un athlète préalablement huilé. S'il réussissait, il gagnait l'outre et les dieux qui, du ciel au fond de la scène, observent le jeu ne devaient pas souvent assister à une réussite.

Ce jeu de tradition antique (Virgile le cite dans les Georgiques) se pratiquait encore au XVIlle et jusqu'au XIXe siècle en Provence, sous le nom de "saut-de-bouc" : l'outre étant une peau de bouc gonflée et enduite de suif, les concurrents pieds nus devaient sauter trois fois de suite, en frappant trois fois dans leurs mains pour scander les sauts. Ce jeu est mentionné pour les fêtes de la Paix en Avignon le 17 brumaire an X et signalé pour la dernière fois en 1844 à Auriol.

Il existe plusieurs interprétations sur la nature de la profession des "utriculaires". La plus certaine doit être celle des fabricants d'outres, métier particulièrement délicat pour réussir à faire d'une peau de boeuf un récipient parfaitement étanche, pouvant contenir plus de 500 1 de liquide et de plus résistant au transport sur les chars.